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Blog lesbien de Platoniquement vôtre
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22 mai 2007

Le scaphandre et le papillon

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On est attiré ou repoussé par la même chose : le témoignage exceptionnel d'un homme qui a littéralement vécu l'indicible, frappé d'une maladie aussi foudroyante et terrifiante que rare : le « locked-in syndrome  ».

Rédacteur en chef dans la force de l'âge du magazine Elle, Jean-Dominique Bauby, suite à un accident cardio-vasculaire, s'est retrouvé totalement paralysé, incapable de s'alimenter ou de respirer par lui-même, avec pour seul mode de communication le battement de sa paupière gauche - « le hublot » de son « scaphandre » -, mais en pleine possession de ses facultés intellectuelles.

La valeur de ce livre, qui a figuré en tête des ouvrages les plus vendus en France en 1997, dépasse de loin la performance technique qui l'a rendu possible ; chaque chapitre, appris par cœur par l'auteur, ayant été dicté lettre par lettre, suivant un code, à l'aide du battement de sa paupière. Car le récit de cette expérience-limite a donné naissance à une œuvre véritable et permis la rencontre avec un homme réduit (élevé ?) à l'essentiel.

Très vite, le lecteur est disculpé à ses yeux de tout soupçon de voyeurisme grâce à la pudeur et à l'humour tonique de l'auteur, qui fait plus que jamais figure de « politesse du désespoir ». Il est porté par le plaisir littéraire d'un texte juste, drôle et bouleversant ; il est séduit, touché par un homme plein d'esprit, définitivement curieux des autres et de la vie, qui passe avec dignité l'épreuve de vérité d'une conscience confrontée à elle-même.

Au cœur de courts chapitres, sortes de camées finement ciselés, sobrement intitulés « le fauteuil » pour aborder le moment où l'auteur découvrit « l'ampleur des dégâts », « le saucisson » pour évoquer le secours puissant de l'imagination et de la mémoire - « réservoir de sensations » - pour un amateur de bonne chère condamné à être nourri artificiellement, Jean-Dominique Bauby touche l'essence même de notre condition, exacerbe sa dérisoire fragilité mais aussi sa paradoxale toute-puissance.

Privé de tout, cet homme existe intensément à travers ces pages. Il nous rappelle les fils invisibles qui nous rattachent à la vie : « les photos des êtres chers  », « les dessins d'enfants », les vers de poésie que l'on porte en soi, l'émotion face aux beautés du monde comme « cette clarté laiteuse du petit matin » qu'il aperçoit de son lit. Et « qu'autant que de respirer [nous avons] besoin d'être ému, d'aimer et d'admirer ».

Car, comme souvent, ce sont ceux qui en sont privés qui apprécient le mieux la valeur des choses - liberté, santé, amour, travail. Mais l'auteur est loin d'être dénué du principal peut-être, la capacité de sentir et d'exprimer, de tirer, en bon journaliste, des « carnets de voyage immobile  » de cette expérience, de sortir de lui-même pour confier sans esbroufe sa révolte, son désarroi et ses interrogations, ou pour se mettre à la place des autres, dont il devine « le trac » et « l'effroi » au moment où ils franchissent la porte de sa chambre.

Chaque esprit (« le papillon ») détient une part unique du monde, et Jean-Dominique Bauby, qui s'inquiétait de savoir dans son dernier chapitre si tout cela faisait un livre, a su, en dépit de tout, communiquer la sienne.

Camille Antoine

Le Scaphandre et le Papillon, de Jean-Dominique Bauby, éd. Robert Laffont, Paris, 1997, 99 francs (16,5 dollars). Traduit dans 28 pays.

J'ai adoré ce livre où l'auteur ne s'appitoie en aucune façon sur son sort, il me tarde de voir le film qui est présentation au Festival de Cannes.

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